Salut et bienvenue à toi, ô lecteur, ô lectrice,
Ravie que tu sois là — et tout aussi satisfaite d’enfin débarquer sur cette plateforme dont tant d’articles m’aiguillent à vivre mieux.
Moi, je rate ma vie : j’en fais des textes.
Autofictionnels, qu’il paraît.
Ici, il sera question d’un crush à retardement, de karaoké, de Jésus, et de Joe Dassin.
ChatGPT dit : Despentes qui débarque aux JMJ.
Pense à bien t’hydrater et bonne lecture !
Tandis que j’épluchais tranquillement mes concombres en vue d’une bonne salade estivale, la radio s’est mise à cracher du Joe Dassin à plein tubes. Marie-Madeleine.
Marie-Madeleine, y a pas si longtemps
Souviens-toi de tes amours
Tu t'amusais bien, tu aimais l'argent
Et moi, je t'aimais tout court…
Mon couteau m’est tombé des mains. Il a tinté sur le plan de travail, vite absorbé dans la viscosité tragico-pop de la chanson. Des larmes, grasses et pathétiques, ont roulé dans mes épluchures.
Stupide, tu es stupide. Quelle idée de pleurer B. sur une chanson pareille ?
À cette pensée, mes sanglots redoublèrent. La radio, sans égard pour ce déluge qui s’abattait sur ma salade, s’entêtait :
Oublie ce fou, il t'a trompée
Le Roi des Juifs ne peut rien faire
Le Roi des Juifs est condamné
L’abomination kitsch dans toute sa splendeur sanctifiée. Je résume.
C'est l’histoire d’un ex-client éploré : sa régulière l’a largué pour un illuminé — “un prophète sans couronne”. Il la pleure, la supplie de revenir, mais elle s’en moque. Elle, tout ce qu’elle désire, c’est son p’tit gars de Galilée. Même lorsqu’il tombe raide-mort, elle lui reste accrochée comme une grenouille de bénitier à sa confession. Son ex-client en est désespéré.
Bref. L’Evangile selon Joe Dassin.
A mon avis — et je pèse mes mots — cette chanson détrône largement Pour un flirt de Michel Delpech. Le drame est gai, la tragédie racoleuse, l’oratorio de supermarché. Et, pourtant, entre deux hoquets désespérés, je me surprends à chantonner.
Moi aussi je sais faire des prières
Je suis venu te supplier
Qu'il vienne me jeter la pierre
Celui qui n'a jamais aimé
Je le confesse : j’aime terriblement la chanson française. Ses airs entraînants, aguicheurs. Elle prend tout le monde, sans distinction. Comme Dieu et les putes. Elle s’infiltre partout : mariages, villages vacances, bus et bars. Même dans ma cuisine, où elle réveille le souvenir brûlant de cette soirée karaoké. Celle sans laquelle je n’aurais jamais inondé mon dîner.
Revis, Marie-Madeleine
Reviens, Marie-Madeleine
Revis, Marie-Madeleine
Voilà, maintenant je ris et je pleure en même temps.
(Il n’y a pas un verbe pour cela ? Par exemple, pleurire.)
Ça avait pourtant mal commencé.
B. me lançait des regards inquiets en constatant que Pierre et Clémence avaient servi la seule bouteille de vin de la soirée — celle que nous avions apportée — et qu’elle était déjà vide. Les Noces de Cana s’annonçaient longues, et je me maudissais déjà de l’avoir embarqué dans ce désastre annoncé.
D’autant que Pierre, plus survolté que jamais, n’avait cessé de l’accaparer. À grands moulinets de bras, exalté et colérique, il brassait la gauche, la droite — et même le Bon Dieu — réduisant l’ensemble en une pâte complotiste infâme qu’il lui servait avec la conviction tranquille de la bêtise.
Il me faisait l’effet d’un enfant de trois ans s’adressant à Charles-Édouard Jeanneret-Gris (alias Le Corbusier) pour lui expliquer, en onomatopées confuses, la logique organique du château de caca qu’il était en train de bâtir. Il avait tout du parfait imbécile.
Clémence lui tendit deux ou trois fois l’assiette de roulés saucisses, espérant qu’au moins en mâchant, il se taise. Tout à sa transe logorrhéique, il la repoussa d’un geste distrait, pour embrayer sur Brigitte-qui-serait-un-homme-à-ce-qu’on-dit.
Moi, je me retenais de le gifler : je ne supportais plus qu’il me fasse honte devant B. Chaque mot qui sortait de sa (trop grande) bouche m’éclaboussait de sa bêtise poisseuse. Chaque phrase ternissait un peu plus l’image que j’avais minutieusement construite auprès de B. : celle d’une fille plutôt intelligente — et à peu près normale pour le reste. Une sainte, à ma mesure.
Avant même de le rencontrer, je vouais à B. une admiration féroce. Je suivais ses travaux sur les médias politiques depuis longtemps : ses textes étaient limpides, percutants, solidement charpentés. Il y avait, dans la parole de cet homme, une forme de charisme indéniable. C’est simple : il s’était naturellement imposé comme l’une de mes références majeures.
J’étais profondément flattée d’être devenue son amie. Je me pensais vive d’esprit — et le fait qu’il m’ait choisie comme interlocutrice privilégiée me le confirmait. Cela apaisait un peu mes désirs, frustrés jusqu’à l’ulcère, de reconnaissance intellectuelle. J’attendais chacune de ses visites bi-mensuelle avec une impatience fébrile.
J’aimais l’agilité avec laquelle il passait d’un sujet à l’autre. Médias, histoire, théologie, art… jusqu’à la chanson française (d’où le karaoké) : l’étendue de ses connaissances était vaste — et son plaisir du raisonnement, infini. Une conversation en appelait une autre, et nous parlions jusqu’à tard dans la nuit. Il m’apprenait beaucoup, et m’écoutait vraiment.
Bien sûr, je mesurais le gouffre sans ponts qui nous séparait : moi, naissante ; lui, accompli. Mais j’avançais quand même. Qu’importe si je tombais : je vivais en être de raison — raisonnable, raisonnante, raisonnablement condamnée.
Avec Pierre — qui s’appliquait à enfoncer, toujours un peu plus, le clou de son ridicule sur le bois têtu de son ignorance — mes espoirs secrets d’un rapprochement ce soir-là s’effondraient.
— Le problème, ce sont les extrêmes, tous. Mélenchon vaut pas mieux que Marine. Même projet : bordéliser le pays. Et l’antisémitisme de LFI ? On en parle ?”
— Et si on le lançait, ce karaoké ? a enfin coupé court B., exaspéré.
— Je sors les micros ! a immédiatement rebondi Clémence, pour sauver ce qu’il restait de la dignité de son homme.
J’aurais pu l’être — soulagée. Mais la perspective de chanter me tétanisait. Premier karaoké de ma vie : je pressentais le désastre. C’est en tremblant que j’ai saisi le micro que Clémence me tendait. J’ai regardé le grand écran où les paroles allaient bientôt défiler, j’ai inspiré. Et…
Dès les premières notes, les visages de mes amis se sont décomposés. Je les ai vus pâlir, se figer, bouches semi-ouvertes. Même Pierre n’osait plus faire un geste. En retour, leur sidération m’a glacée, coinçant un peu plus les sons au fond de ma gorge. Si au mois ils s’étaient moqués… Rien, pas même une boutade. Je n’étais pas drôle : j’étais pathétique.
La faute à ma voix.
J’ai une voix de malentendante : monocorde, surarticulée, formée à parler fort pour s’entendre.
« On dirait que tu la projettes du fond de la gorge, comme ça, là. » m’a dit B. une de ces nuits où nous nous balancions quelques vérités profondes en tapant de la cocaïne sur le Vert de Pastoureau — il est daltonien, les lignes ressortent mieux.
Avec cette grande sincérité qui le caractérise — et qui lui a valu quelques inimités non moins sincères — il s’était alors pris à m’imiter. Dans sa bouche, ma voix était rauque, hachée ; un crachat régulier de lama obsessionnel.
Me voyant soudainement blêmir, il s’est arrêté net. Il a tenté de se rattraper d’un :
« Mais c’est aussi une voix reconnaissable ! Une voix pour la radio…. Ou le théâtre ! »
Trop tard. Le mal était fait — je venais de comprendre pourquoi, dès que j’établissais le premier contact avec un homme par audio, il me ghostait instantanément : ma voix était une calamité. Je me mis à la détester.
[Ellipse — toi-même tu sais]
L’audio-prothésiste venait de me poser mes appareils sur les oreilles.
— Des 100 % santé, remboursés depuis la loi Macron. On ne gagne rien avec ça ! On fait ça pour les gens comme vous, vous savez, me disait-il, d’une voix légèrement condescendante, en ajustant ses lunettes en bois brut, avant d’effectuer quelques derniers réglages sur son ordinateur.
— Prête ?
— Oui, ai-je bredouillé”
Je ne sais pas pourquoi j’ai fermé les yeux. Le trac sûrement. J’avais le cœur qui battait la chamade. Après trente-trois ans à vivre dans un monde ouaté, j’allais découvrir la coloration sonore du monde et je craignais d’être déçue. J’avais peur que le monde, une fois audible, sonne creux.
Soudain, de gros coups de marteaux sur le mur. Desserrant prudemment une paupière, j’ai demandé :
— Il y a des travaux ?
— Haha ! Non, c’est le bruit des touches sur le clavier. C’est normal, au début que ça vous impressionne un peu, mais vous allez voir… ”
Déjà, je ne l’écoutais plus.
C’était elle.
Pleine, entière.
Etrangement familière.
Je la rencontrais vraiment pour la première fois,
et pourtant il me semblait la reconnaître.
Oui, c’était bien elle,
ma voix.
Je m’exaltais.
— C’est une mezzo ! Comme dans Carmen !
— Une mezzo ? Carmen ? Qu’est-ce que …
— Mais si, écoutez : l’amour-l’amour est enfant de bohème…
Je n’arrêtais plus. Je chantais Carmen, La-le-li-lo-lu., tout ce qui me passait par la tête. Je répétais à voix haute, tous les mots des tests auditifs : Cailloux. Papillons. Chapeau, seulement pour le plaisir de m’entendre. Je pleurais à chaudes larmes. Et le bruit même de mes pleurs, découvert, me bouleversait tant que je m’effondrais davantage.
Dans un regard ahuri, l’audioprothésiste m’a tendu le terminal :
“ Pour le reste à charge. C’est pas la Croix-Rouge ici hein, haha ! On ne fait pas de miracles à perte.” — et c’est le visage mouillé d’une reconnaissance béate, que j’y ai déposé ma CB.
Si j’étais déjà exaltée, dans la boutique, je suis devenue démente de joie en sortant : la neige venait de craquer sous mes pieds. Pour la première fois, le son délicat d’un monde de flocons qui s’effondre sans drame.
J’ai alors commencé à piétiner frénétiquement le sol cotonneux, tournant sur moi-même et répétant : « Ma voix ! J’entends ma voix ! » sous le regard perplexe des riverains — deux mères de famille, un vieux à cabas, un petit garçon tout pisseux, figé, sa sucette à la bouche. Rien n’y faisait : je tournais, tournais encore, les bras ouverts, possédée par la Grâce.
J’y serais toujours si un klaxon ne m’avait pas interrompue.
Un bruit strident, brutal, déchirant,
qui m’a arrêté net.
J’ai hurlé :
Mourir ? Pas maintenant ! Pitié, mon Dieu !
Ce jour-là, l’Eternel devait lui aussi sortir de l’audioprothésiste, car il a entendu ma prière : le bruit venait d’une rue voisine. J’avais sursauté pour rien.
Ma voix,
ma belle voix de mezzo…
Celle que je trouvais si jolie dans la neige, faisait, dans l’atmosphère oppressante de cette soirée de karaoké, plus de dégâts que les dix fléaux d’Egypte réunis. Invasion de sauterelles, bétail qu’on égorge, bébés qu’on assassine, ma voix.
Dès le refrain de la chanson, j’aurais donné tous les plus beaux sons découverts depuis ce joli jour de décembre (mer, feuilles, oiseaux, mots doux..), pour ne plus être ainsi, exposée, humiliée, devant mes amis, devant B., m’accrochant désespérément ce micro, comme Moïse son bâton — mais sans miracle, sans révélation, sans terre promise.
Face au malaise général, j’étais accablée.
Je savais que si j’arrêtais de chanter, je validais le désastre. Si je continuais — au prix de ma dignité — mes amis auraient le temps de se refaire une contenance, et la soirée serait, peut-être, sauvée.
Mon Dieu, donnez moi la force…
Mon micro me glissait des mains. Je comprenais ni le rythme, ni la mélodie. Je m’embrouillais dans les paroles. Tantôt, j’abaissais la voix et elle devenait un gloubi-boulga guttural ; tantôt, je l’élevais : le déchirement d’une craie sur une ardoise. Au second refrain, tout le monde était à bout de nerfs, moi d’abord. Tant pis pour la soirée, tant pis pour B., tant pis pour mon orgueil résiduel, il fallait faire cesser le massacre. Je m’apprêtais à renoncer.
Quand, soudain,
juste avant la note,
la voix de B.
Grave, profonde.
Parfaitement maîtrisée.
Une voix de chorale, formée dans l’église du village normand, grâce à une mère au flair sûr. Une voix pleine, arrondie, timbrée, avec laquelle il me donnait la ligne mélodique.
Je le suivais, d’abord incertaine. Mais il phrasait avec douceur, enveloppant mes approximations dans sa justesse. Plus confiante alors, je m’aventurais à chanter un peu plus fort et il harmonisait mes écarts, non pas en les étouffant, en les absorbant dans l’accord. Sa voix couvrant ma voix — comme une chevelure rousse tombant sur des pieds sales — me lavait de ma honte.
Au dernières notes, je ne m’entendais plus du tout. Je n’écoutais que lui. En perdant ma voix, je commençais à l’aimer.
Bien plus tard — après les derniers Aznavour entonnés à tue-tête par mes amis, sous l’effet d’un “Allo apéro” providentiel, commandé par B., ce faiseur de miracles — j’ai enfin pu me serrer contre lui pour dormir.
C’était devenu une habitude, prise lors de ses séjours dans ma ville. Mon clic-clac est dur, et mes bras tendres : je lui ai fait un peu de place. Je me souviens de la première nuit. Il avait posé son sac, plié sa chemise, s’était couché sans bruit, mains croisées sur le ventre. J’avais lové ma nuque dans le creux de son bras. La tanière s’était formée. C’est resté, cette tendresse animale, familière.
Mais cette nuit-là, parce que sa voix m’avait sauvé de l’outrage, tout était changé. Même garçon noueux, mêmes gestes, même silence — mais son corps m’était devenu insoutenable. Maigre, brisable, presque douloureux à regarder. Et c’est précisément cela qui m’enflammait. Chaque os sous sa peau, chaque souffle, chaque froissement de drap attisait, en moi, une ferveur carnassière. Je brûlais d’envie de l’embrasser. De le toucher. Le sentir. Sa chaleur, son odeur… cela m’ensauvageait.
Mais une question, simple, écrasante, me figeait : me désirait-il ? Certes, il me tenait dans ses bras — mais c’était notre manière de dormir. Une étreinte ancienne, apprise, répétée, dénuée de promesses.
Et pourtant — j’ai bougé. Un peu. Juste assez pour que nos corps se réajustent.
Je l’ai senti durcir dans mon dos. Alors, sans un mot, il a resserré son étreinte.
Puis, plus rien.
Il demeurait raide, silencieux.
Résolument absent.
Et si je ne lui plaisais pas ? Pourtant, un jour, bien plus ivre qu’à l’accoutumée, il m’avait dit :
— Tu es mon cold case, ma faiblesse.
Mais c’était il y a longtemps, lorsque je n’étais qu’une étrangère. Il me connaissait mieux depuis, son désir avait pu s’éteindre — j’étais si gauche, si pâteuse, parfois.
Était-il intimidé ? Il est prudent, je le sais, avec les femmes ; il a trop d’amies pour ignorer ce qu’un geste peut déclencher. C’était peut-être à moi de m’avancer encore… de m’offrir un peu plus. Mais s’il ne répondait pas ? Si j’installais entre nous un malaise indépassable ? Ou, pire, si je le perdais ? Je ne me le pardonnerais pas, j’avais tellement à apprendre encore... Alors, comment savoir si son immobilité tenait de la pudeur ou du désintérêt ?
Alors que je m’égarais dans mon indécision, j’ai senti sa respiration se faire plus profonde. Il s’endormait. C’était trop tard. Noli me tangere, semblait-il murmurer entre deux souffles.
Moi, je demeurais, là, interdite, pétrifiée de désir.
L’aube m’a trouvée comme la nuit m’a laissée : blême, hagarde.
Crucifiée à ce p’tit gars de Galilée.
Amen.
Merci de m’avoir lue, j’espère que ce texte t’a plu.
Pour prolonger le plaisir, voici, parmi les lectures et écoutes qui ont accompagné ce texte, les pépites que j’ai trouvées :
Marie Madeleine et Jésus par Pancôme Thiellement : un trésor de travail de vulgarisation. L’« exégète », comme il se présente lui-même, propose une autre lecture du mythe. Jésus, homme aimant, révolutionnaire, opposé à l’impérialisme ecclésiastique qui lui a succédé ; Marie-Madeleine, femme lettrée, brillante, sa compagne.
Le prologue du Royaume d’Emmanuel Carrère : l’auteur y raconte les trois années où il est devenu un fervent croyant. Tout le livre tend la question suivante : l’ironie est-elle l’ennemie de la Grâce, et parfois d’une certaine vérité ? Évidemment, tout le texte y succombe — pour notre plus grand plaisir.
L’Evangile selon Marie-Madeleine : texte apocryphe, tardif, peu probable qu’il provienne de l’Apôtre des apôtres — pour reprendre les mots du pape François. Mais c’est un texte qui laisse place à l’amour, et donc aux femmes. Il est cohérent qu’une disciple privilégiée ait voulu laisser une trace — et tout aussi logique que sa voix ait été étouffée. J’aime l’idée qu’on lui ait rendu la parole, même si ce n’est que par la fiction.
Pourquoi ces images ?
Elles viennent d’artistes qui queerisent la religion. Chez eux, Jésus aime les marginalisé·es, les paumé·es, les désirant·es, les gens trop bruyants ou trop ridicules. Leur esthétique n’oppose pas le sacré et le kitsch : elle les mêle. Comme ma voix au karaoké, comme B. dans mon lit.
Une forme de grâce profane, peut-être.
Whaou ! J'adore ! Je te connaissais du génie mais j'ignorais ce don là. Tes mots prennent, bercent, questionnent... Un délice !
Et maintenant je vais écouter Joe Dassin avec plus d'attention ;)